L’ARCODECA (Centre Régional de Coordination des Dépistages des Cancers en Corse) et l’URPS (Union Régionale des Professionnels de Santé) pharmaciens de Corse se sont associés pour faire avancer le dépistage organisé du cancer colorectal en Corse. Les deux structures viennent de lancer une expérimentation sur un secteur donné de la plaine orientale, de Travo à Borgo. CNI a rencontré les deux responsables, Franck Le Duff, médecin spécialisé en Santé Publique et Santé Communautaire, directeur de ARCODECA et Christian Filippi président de l’URPS pharmacien de Corse .
Dr Franck Le Duff : Le cancer colorectal touche chaque année environ 43 000 personnes en France et est responsable de près 18 000 décès par an. Le programme national de dépistage organisé contribue pourtant à sa détection précoce, avec, dans ce cas, guérison 9 fois sur 10. En Corse plus particulièrement, le dépistage a du mal à s’implanter. La participation au programme de dépistage organisé varie considérablement selon les régions et les départements : de 13.05 % en Corse à 46.4 % en Ille-et-Vilaine, la Corse fait ainsi l’objet des plus bas taux de dépistage par rapport à l’ensemble des autres régions françaises. La part des cancers sur le côlon et le rectum sont suivis et bien connus. C’est le deuxième cancer chez l’homme et le troisième chez la femme. La population concernée pour ce dépistage est la population entre 50et 74 ans. Il existe un nouveau test immunologique de détection de sang occulte dans les selles, ce test de dépistage permet de détecter un cancer à un stade débutant et de le traiter en augmentant les chances de guérison. Il permet également de repérer des lésions bénignes avant qu’elles n’évoluent en cancer.CNI : la fiabilité du test ?
Dr Franck le Duff : Le test est performant fiable et simple. Il se réalise à la maison en 5 minutes. Il est nécessaire de remplir un questionnaire et d’adresser sans frais, par courrier (la lettre T est fournie) l’ensemble. Attention à bien renseigner la date sur le flacon de prélèvement. Après une quinzaine de jours le résultat est transmis au domicile et auprès de son médecin traitant. Toute personne de 50 à 74 ans peut donc avec ou sans invitation de l’ARCODECA, se rendre dans l’une des pharmacies de la plaine pour récupérer gratuitement un test.
CNI : Comment se procurer ce test ?
Dr Franck Le Duff : La mise à disposition du kit de dépistage se fait habituellement auprès du médecin traitant ou à défaut auprès de l’ARCODECA. Bien souvent la démarche d’aller chez son médecin traitant pour récupérer le test n’est pas faIte et la participation au dépistage organisé peut en pâtir.
CNI : Aujourd’hui les pharmaciens ont donc proposé un partenariat pour dynamiser ce dépistage…
Dr Christian Filippi : Le réseau officinal possède de nombreux atouts pour la prise en charge des patients : une bonne répartition des officines sur le territoire, des plages horaires étendues, des professionnel de sante de 1 er recours accessible sans rendez vous, une grande proximité sociale et des compétences de l’équipe officinale en matière de santé. Les officines de Corse délivrent des conseils de prévention et d’éducation pour la santé également auprès d’une population n’ayant pas ou peu de suivi médical. Le pharmacien voit 100 % des patients. En France 4 millions de personnes entrent dans une officine par jour. Grace à leurs nombreux contacts quotidiens, une facilité d’accès avec des clients, cette proximité sociale, les pharmacies sont l’endroit idéal pour sensibiliser la population au dépistage des cancers et notamment du cancer du côlon. Ce projet s’adresse aux personnes qui s’estiment en bonne santé qui ne vont jamais ou rarement chez le médecin. Nous souhaitons apporter une valeur ajouté sur une partie de la population cible qui échappe à ce dépistage organisé : Les personnes qui ne sentent pas concernées, sans symptômes, qui méconnaissent les procédures de dépistage, qui sont gênées, qui ont peur des résultats, peur de la coloscopie mais aussi les populations précaires et fragiles. Nous souhaitons dans ce cas également apporter notre contribution dans la lutte contre les inégalités en santé sur le territoire. Le pharmacien donnera des conseils de prévention sur le cancer du colon aux personnes entre 50 et 74 ans . Ces conseils sont organisés dans un espace de confidentialité. Si le patient n’a pas participé au dépistage organisé, le pharmacien remplit avec le patient un questionnaire d’éligibilité au test. Pour ceux qui sont éligibles nous leur remettront un kit de dépistage et expliqueront le déroulement du test. .
CNI : La confidentialité est-elle assurée ?
Dr Christian Filippi : Les pharmaciens viennent en renfort des médecins généralistes. Seuls les patients et leurs médecins seront avertis des résultats des tests. Aujourd’hui 17 pharmacies de la plaine orientale (voir carte) sont intégrées au projet et participent à la distribution des kits de dépistage. Elles se situent sur le secteur de Travo à Borgo et se sont toutes portées volontaires après la sollicitation des Unions régionales Pharmaciens Corse.
CNI : Ce partenariat avec les pharmaciens peut-il favoriser le dépistage ?
Dr Franck le Duff : Nous pensons que cette expérimentation contribuera à une meilleure information et orientation de la population en matière de dépistage, mais aussi favorisera le recours aux dépistages organisés. Nous souhaitons améliorer la lisibilité, la coordination, l’accès et l’information des actions de dépistage organisées.
CNI : Aujourd’hui les pharmaciens se veulent plus que des vendeurs de médicaments ?
Dr Chritian Filippi : Nous souhaitons faire de la pharmacie un lieu reconnu pour trouver informations et conseils sur la prévention des maladies ,améliorer les connaissances du grand public en matière d’éducation sur la santé et la prévention du cancer colorectal.